Brooklyn, New York, 2016
Omaha, Nebraska, 2016
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Brooklyn, New York, 2016
Omaha, Nebraska, 2016
Manhattan, New York, 2016
Brooklyn, New York, 2016
AD’HOC-1 – Confiance
Mom, Provence, 2015
Baby’s All Right, Brooklyn, New York, 2018
Joséphine, Switzerland, 2016
Foie gras, Switzerland, 2016
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Il fait très froid ce matin sans savoir pourquoi parce que ce n’est pas sa faute.
Sous deux peupliers qui se croisent.
Ils pensent aux portiques des stations de métro.
La différence entre les tourniquets et les portes qui claquent leur caoutchouc.
Ce n’est pas la première fois qu’il réfléchit mais ce n’est pas pareil.
Un train sans wagon restaurant entre bruyament en gare et couvre les voix des jeunes qui poussent un chariot de betteraves en chantant d’anciens chants révolutionnaires lourds et ennuyants.
C’est un cluedo accéléré le premier joueur gagne au premier tour
C’est là que ça devient intéressant c’est pas la même histoire mais on ne peut leur en vouloir tu comprends je voulais qu’il vienne et puis de toute façon on va devoir le refaire alors ne viens pas me dire que c’est pas grave tu sais très bien
Ma question préférée qu’est ce que je vais faire de toutes ces abréviations ?
La haine que tu donnes aux petits enfants finira par tous nous avoir
Elle a encore oublié son discours mais elle sait de quoi il en revient il en revient toujours la même chose parfois les mots changent.
Son insolvabilité fera sa force.
Si le dollar ne vaut plus son pesant d’or les mots veulent eux encore dire quelque chose.
Parfois comme un baiser parfois pas.
Elle commence l’allocution par des points de suspension comme d’habitude.
Avec son style caractéristique bref concis les sourcils froncés sans un regard vers le public.
Elle dénonce tranquillement le manque de moyens mis en oeuvre.
Le deuxième rang applaudit.
détruire ce monde est possible un autre monde est possible nous ne voulons pas d’un autre monde rendez nous ce monde si possible
les symptômes sont des documents le mal est fait the work is done.
https://en.m.wikipedia.org/wiki/Eternal_Champion_(character)
http://marvel.wikia.com/wiki/ForgetMeNot_(Earth-616)
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DES TAS ET DES TROUS
Tu ouvres la grosse malle de ferraille, chaque jour. Tu prends les outils. Tu t’y mets. Les mains pleines de cloques, tu remues, tu pousses, tu mets les mains dans la terre. Tu en as partout jusqu’à sous les ongles et même un peu dans le cul. Tu fais des petits tas à gauche, à droite. Tu fais des petits tas devant, derrière. Tu pelles, pioches, marteau. Tu as de la poussière plein la gorge et dans ton nez, ça se mélange avec ta morve et ça forme une pâte noirâtre alors tu te mouches comme une trompette. Tu continues, tu tapes dans cette argile massive, tu frappes et tu t’essouffles, tu cognes dedans jusqu’à ce que tes membres semblent ne plus t’appartenir. Tout ça pour faire du sable, pour pouvoir le déplacer en petit tas, à gauche, à droite. Devant, derrière.
Il y a du soleil alors tu transpires et la terre se colle à toi dans une pellicule de boue. Une seconde peau. Tu essaies de voir un peu plus clair alors avec le revers de ta manche absente, tu t’essuies la bouche et les yeux mais comme ton bras est tout autant boueux que ta face, tu prends ton t-shirt et, comme la bavette que tu avais quand tes membres étaient tout mous, comme quand voir l’eau de la rivière couler suffisait à mouiller tes yeux d’émerveillement, comme quand tu ne connaissais pas le goût des choses alors tu les prenais dans ta main et tu les mettais entières dans ta bouche – une pomme, un oignon, un caillou ! – tu prends ton t-shirt vers le col et tu t’essuies le visage avec, comme on s’essuie la bouche pleine de sauce tomate avec une serviette.
Tu t’arrêtes. Tu vois un peu mieux maintenant. Il y a des petits tas éparpillés partout. Derrière les buissons, sur le béton, sous le perron, sur le toit, dans la mer, sous ta chaussette, sur le cheval, dans le ciel. Il y a ceux que tu as fait hier, ceux que tu as fait l’autre jour quand tu étais cuit comme un soleil d’alcool. Ce tas-là il est moins haut mais un peu plus ambitieux, à sa manière. Il s’étale, il s’éparpille comme s’il voulait dire quelque chose, un peu comme si une cathédrale s’était effondrée pour diluer sa magie. Il y a celui que tu as fait il y a dix ans. Tu étais monté si haut ; tu t’es pris la volée du siècle. On voit la partie du bloc qui s’est effondrée quand tu trônais fièrement dessus avec ton torse tout gonflé d’orgueil. Relique, sphinx cassé. Il y a aussi des tas bien fait, des tas qui ne font pas d’histoire, à des hauteurs inintéressantes, polis et précis, sans dégâts ni cicatrices, on dirait que tu les as finis à la truelle ces tas qui se taisent, bien consciencieusement, on dirait la fiche d’impôt d’un comptable. Il y a ceux que tu as fait en dansant frénétiquement. Tu donnais des coups dans cet océan de matière, tu prenais des poignées dans tes mainss et tu les lançais tu ne sais pas trop où. Ceux-là, ils ressemblent à des dessins, ils forment un petit quartier de joie et d’innocent chaos dans cette grande ville de poussière brune.
Il y a aussi ce moment où tu t’es mis à creuser des trous et à t’enfermer dedans. Tu les vois, pas si loin, ils sont regroupés, tous au même endroit. Tu regardes la clairière perforée comme s’il avait plu des météorites ou peut-être des obus, comme si des taupes géantes s’étaient soudain mises à sortir des entrailles du sol. Tu te déplaces dans ce champ de mines, voltigeant entres ces cratères. Il y’en a tellement que parfois il ne reste qu’une mince crête de terre, tu as tellement creusé que tout le sol a failli s’effondrer. Toutes ces caves te donnent un peu de vertige. Tu chancelles mais tu tiens bon, si tu tombes ils deviendraient ta fosse, ça tu en es sûr. Pourrais-tu sortir aujourd’hui des trous d’autrefois ? Comme un funambule, tu te balades au bord des falaises de ton passé. Tu sais que pour chaque miette de terre enlevée tu as versé quelques décis de larmes. Tu te revois à genou au fond de ces petites grottes, les doigts qui raclaient le sol sans raison comme des vers agités. Malaise. Sans savoir pourquoi tu passais des heures au fond, coincé, séquestré comme un lapin qu’on engraisse dans un clapier. Qui t’enfermait ? Tu ne sais pas, mais tu étais en prison. Comment tu remontais ? Tu ne sais pas, mais pour chacun de ces putains de trous, tu es remonté.
Tu vois ces débris de toi qui s’étalent. Et puis à ta surprise, tu vois qu’un de ces trous n’est pas fermé, il y a comme un chemin, qui mène peut-être quelque part. Tu dois presque ramper pour suivre ce petit tunnel que tu as creusé, et puis tu arrives dans une grande pièce qui déborde de choses. Des tables, chaises, des oiseaux, des miroirs, des bateaux, un nénuphar et quelques bananes mais aussi de la foudre, des lèvres, des orchidées, de la pluie et de la musique. Tu les as sûrement sculptés une autre fois. Et tu dis mais bordel comment j’ai fait tout ça, ça a de la gueule quand même, moi qui pensais ne faire que des terriers tous pourris !
Mais tu as perdu déjà bien assez de temps. Il faut ressortir. Il faut s’y remettre. Tous les jours, il faut courir, creuser, gagner, piocher, perdre, s’essouffler. Alors tu ressors, tu t’y remets. Tu emmanches la pioche de tes mains gercées. En courbant ton échine moulue de mouvements amples et puissants, tu reprends. Tu frappes dans cette terre inépuisable, tu pelles, pioches, marteau au moins jusqu’à demain.
En 1992, l’essayiste Philippe Muray, dans un bref coup de gueule paru dans L’Idiot international, s’alarmait d’un nouveau besoin qu’il reconnaissait aussi bien aux Etats-Unis qu’en France et qu’il nommait « L’envie du pénal » (cf. Philippe, Muray, Désaccord parfait, Paris, Gallimard, 2000, pp.183-187). L’on y voyait dénoncée une judiciarisation excessive de la société et des rapports entre individus. En plus de reconnaître les prémisses d’une évolution qui semble atteindre aujourd’hui ses propres sommets, Muray poussait la clairvoyance jusqu’à comprendre lui-même en 1997 qu’il ne diagnostiquait qu’un commencement, à la première rédaction dudit coup de gueule : « Seul compte, en définitive, et comme toujours, le fait d’avoir vu la question alors qu’elle n’en était qu’aux prodromes de son sinistre développement. »
À l’heure du cataclysme des moi aussi, à l’heure où dans l’échelle internationale du mal, Weinstein gagne du terrain sur Bachar, le texte de Muray semble en effet revêtir toute sa pertinence. Ce sont sur les développements les plus récents de l’aventure hollywoodienne que j’aimerais faire porter ces quelques lignes.
L’on apprenait il y a peu que l’une des égéries du grand mouvement, l’actrice Asia Argento, se révélait elle-même sous le coup d’accusations apparemment graves, portées par un jeune adulte, tout juste encore mineur au moment des faits reprochés à son aînée.
Il n’en fallait pas tant pour que les moins subtils de ceux chez qui l’affaire des cochons balancés avait fait germé le doute se saisissent de cette aubaine pour proclamer, à grands coups d’arroseur arrosé, le mensonge éternel des femmes humiliées. Ainsi, l’affaire Argento/Bennett devint dans l’esprit mal tourné de certains, une forme de preuve qui démontrât quelque supercherie.
Il n’en demeure pas moins que les femmes doivent pouvoir dénoncer les horreurs qui leur sont faites. Il n’en demeure pas moins non plus que les ridicules et les travers des mouvements post-Weinstein, s’ils existent, doivent pouvoir être moqués. Or, à cet égard, le petit Bennett ne constitue en rien un coup de frein porté à ce que le mouvement de la balançoire a de plus dangereux. Bien au contraire, il s’agit là d’un ultime prolongement, d’une ultime mascarade, d’une ultime vulnérabilité de circonstance.
Peu après les révélations du New-York Times qui faisaient basculer madame Argento du clan des agnelles à celui des truies, ces mêmes accusations se voyaient porter un coup dont elle se seraient certainement passées : un selfie post-coïtum sur lequel on découvre un jeune homme béat, couché aux côtés d’une actrice dénudée, ivre d’une différence d’âge dont il se plaindra pourtant – en temps voulu.
Plusieurs siècles avant Jésus-Christ, la cité d’Athènes fut minée par des individus particuliers, appelés les sycophantes, dont l’occupation principale était de produire des accusations factices. En l’absence d’un réel ministère publique, les citoyens avaient à charge de dénoncer les délits et crimes auxquels ils étaient susceptibles d’avoir assisté. Si l’accusation se vérifiait fondée et débouchait sur une condamnation, l’accusateur touchait une somme d’argent. L’on conçoit qu’un tel système puisse créer de véritables délateurs professionnels : les sycophantes.
Si certains individus – et il y’en a beaucoup c’est une certitude – ne parviennent pas à réfréner des tentations qui deviennent des crimes lorsqu’elles ne sont pas consenties par la personne sur laquelle elles portent, d’autres éprouvent – il doit y en avoir d’innombrables en Californie – des envies de tribunal. L’envie du pénal. L’envie de n’avoir pas eu envie. L’envie d’être le sycophante de ses propres consentements, de ses propres compromissions, l’envie de dire non aux oui dont on a désormais un peu honte.
Références:
http://mixedspices.co.uk/your-silence-speaks-volumes-an…/
https://norient.com/blog/reggaeton-underground/
https://thenewinquiry.com/radical-strain/
https://www.huckmag.com/art-and-culture/music-2/sxsterhoods-discwoman-siren-concretelates/
https://rebellyon.info/Nous-ne-viendrons-plus-19244
https://www.streetpress.com/sujet/1513265893-marie-da-silva-coach-de-vie-entreprise-femmes-racisees